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Source : Le Point

Le président français Emmanuel Macron a annoncé en décembre 2021 vouloir mettre en place un « new deal » pour refonder la relation entre l’Afrique et l’Union européenne dans le cadre du sommet UE-Afrique du mois de février 2022. Le chef de l’État a plaidé pour le déploiement d’un agenda en matière d’éducation, de santé et de climat à la hauteur des enjeux. Face à l’opposition géopolitique États-UnisChine, l’Europe doit construire sa place en développant notamment des liens solides avec son environnement historique régional : l’Afrique. Rappelons que l’Union européenne est le premier investisseur en Afrique et son premier partenaire commercial.

Arrimer l’Europe et l’Afrique

Dans un monde multipolaire, il est de l’intérêt de l’Union européenne et des Afriques de miser sur une entité géostratégique et économique « afro-médi-péenne » (Afrique, Méditerranée, Europe) pour peser dans l’ordre du monde face notamment aux États-Unis et aux mastodontes d’Asie (Inde, Chine…). L’objectif stratégique est d’arrimer les deux continents l’un à l’autre. 

Les limites de la mondialisation accentuées par la crise du grand confinement peuvent être résolues par une nouvelle configuration économique articulée entre l’Union européenne et le continent africain. D’une chaîne de valeur mondiale, il s’agit de passer à un processus de déglobalisation avec notamment l’émergence d’une chaîne de valeur régionale de proximité, offrant flexibilité et approvisionnement de type « just in time », condition sine qua non de compétitivité des entreprises.

Un partenariat dans la décarbonation

L’Afrique peut offrir des solutions solides pour contribuer à la décarbonation de l’Europe et l’atteinte de l’objectif zéro carbone pour 2050. La décarbonation en Afrique peut permettre à ses industries d’accéder aux marchés européens. Elle permet de développer des parts de marché dans les pays qui, avec la pandémie, ont décidé de se tourner vers des pays proches et fiables. Toutes les parties prenantes, des deux côtés de la Méditerranée, gagneraient à travailler ensemble pour résoudre l’équation de neutralité carbone. L’Afrique a l’opportunité de prendre toute sa place dans le mouvement de décarbonation qui se profile. Il ne s’agit donc pas d’une aide à l’Afrique, mais plutôt d’explorer, ensemble, des opportunités de partenariat potentielles avec la mise en place de filières industrielles innovantes conjointes favorisant notamment l’industrie 4.0, la mobilité durable et la transition énergétique. 

Un partenariat dans la décarbonation

Mais comment faire et surtout comment établir des relations moins asymétriques entre les deux entités ?

La transition vers une économie verte réclame la participation et la contribution de plusieurs acteurs des mondes de l’industrie, des affaires, de la politique, du droit (harmonisation des cadres juridiques régissant les échanges commerciaux et la conformité…), mais aussi des citoyens. Les déterminants du succès sont donc multiples et systémiques.

Mais l’un des facteurs clés demeure de miser sur la formation de la jeunesse montante africaine, qui fait preuve de créativité et de dynamisme. Miser sur la jeunesse africaine, c’est miser sur l’avenir de l’Afrique, sur l’avenir de l’Europe.

Miser ensemble sur la formation

Nous plaidons pour la formation et la fixation des talents en Afrique. Pour cela, il faut consolider, multiplier et soutenir les partenariats innovants de co-développement entrepreneuriaux et technologiques à impacts positifs entre les sphères académiques et professionnelles. Cela demandera des investissements importants soutenus par des outils financiers adéquats.

Soufyane Frimousse, Maître de conférences

La formation permettra de consolider les liens entre les Européens et les Africains. Ces liens humains seront la véritable richesse. Il s’agit de la combinaison de valeurs matérielles et spirituelles. L’Afrique peut permettre cette interaction entre conditions (économiques, écologiques) et significations d’existence (raison d’être, finalités…), entre ordre économique et dynamique sociale.

Ce qu’il s’agit de mettre au jour désormais, ce sont de nouvelles manières de se fréquenter, de créer un monde fécond pour les deux parties, une pensée qui pousse ces deux espaces à une réinvention profonde. Dans cette optique, il est impératif de sortir des prismes conceptuels de l’aide au développement, de la responsabilité humanitaire, de la gestion des flux migratoires, de l’insécurité…

Cela passe par des nouveaux systèmes éducatifs et de formation pour notamment façonner un nouvel imaginaire partagé. L’avenir vertueux entre l’Afrique et l’Europe sera d’abord un maillage de pensées humaines.

L’objectif n’est pas de refuser les leçons et les apports extérieurs mais de trier ce qui est fécondité et ce qui est absurdité. Nous sommes dans une guerre cognitive. Dynamisme économique et dynamisme scientifique sont liés.

Soufyane FRIMOUSSE, Maître de conférences, docteur HDR à l’université de Corse, chercheur associé ESSEC Business School Paris et à HEC Montréal, rédacteur en chef adjoint de la revue Questions de Management. Il est l’auteur de l’ouvrage Innovation and agility in the digital age: Africa, the world’s laboratories of tomorrow publié aux éditions Wiley. Il a coordonné l’ouvrage Africa Positive Impact publié aux éditions EMS.


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